Quand je découvre une nouvelle plateforme, je l’aborde toujours d’abord en tant que client potentiel, et si c’est possible, je la teste, ou bien j’imagine le parcours d’après la description qui en est faite ; rien de plus révélateur ! Ensuite – chassez le naturel il revient au galop – je me mets à analyser le pourquoi du comment, à identifier les points forts, les faiblesses, la roadmap potentielle, les concurrents (qui sont de plus en plus souvent où on ne les attend pas), etc.. Puis je regarde si la théorie valide ce que j’ai constaté. Bref, je joue à Sherlock Holmes.

Et ce jour là dans le TGV, en lisant quelques articles, je tombe sur l’annonce du LCL à propos d’une plateforme destinée aux jeunes : « LCL Mon Campus ». J’ai un ado en pleine orientation, du coup j’ai un double intérêt pour me pencher sur le sujet…

Un parcours d’orientation et d’installation facilité?

Je tape donc dans l’URL « LCL mon campus », et je suis dirigée directement sur le site Internet du LCL, sous les offres étudiants. Petite puce à l’oreille, je m’interroge : pourquoi ne suis-je pas dirigée vers un site dédié ou vers une application à télécharger puisqu’on m’annonce une plateforme ? Bon, je vais sans doute trouver l’accès à la plateforme elle-même sur le site… Je continue, et en effet, il s’agit d’une page Web. Je commence à me demander où est le modèle de plateforme, mais je suis intéressée en tant que cliente donc je poursuis ma lecture…

La première ligne me demande de contacter un conseiller LCL, ça me refroidit un peu : je suis prête à ouvrir un compte si le service en vaut la peine, mais par contre je n’ai pas du tout envie de parler à un commercial de la banque.

Je continue : c’est super, ça commence avec l’orientation : on me propose 3 solutions sous forme de liens vers ce qui ressemble à des start-ups.

Point suivant : « j’ai mon premier appartement », là encore 3 liens, parfois vers des start-ups, parfois vers un bouton pour appeler mon conseiller LCL. Aïe. Ensuite, le sujet « j’assure mes déplacements » avec le permis, les assurances. Puis,  « je gère mon quotidien », « j’épargne pour mes projets », « je pars étudier à l’étranger ».

Côté identification des étapes du parcours, rien à dire, c’est bien fait, intéressant et pertinent. Je me projette.

Etape d’après, l’action : je reviens en haut de la page sur l’orientation : finalement aujourd’hui, c’est le seul sujet qui m’intéresse. Le reste viendra plus tard ; mais si mon ado est pris en main par une plateforme sur tous ces sujets, et que je peux avoir un rôle à jouer, c’est super, je suis prête à m’abonner (selon le coût) et à ouvrir ce compte que le LCL veut sans doute que j’ouvre.

Donc je clique sur le premier lien : « hello Charly ». Et en effet, j’arrive sur une start-up, et je commence à étudier l’offre. Oui ça m’intéresse.

Mais alors quel est le Next Step pour moi, la cliente?

Option 1 : je retourne sur le site LCL, et là on me dit qu’il faut appeler un conseiller. Re-aïe, non, je n’ai toujours pas envie d’une conversation avec un commercial de la banque. Je veux juste mon interface, m’enregistrer et commencer mon parcours.

Option 2 : comme finalement je n’ai pas besoin des autres étapes aujourd’hui, je retourne directement sur « Hello Charly ». Le site Internet LCL me promettait bien un accès gratuit au chatbot d’Hello Charly, mais franchement, si c’est au prix de devoir parler à un conseiller, ça ne m’intéresse pas. D’autant qu’à première vue, j’ai quand même accès au chatbot.

Interruption du parcours

Et à ce stade, je pivote en mode professionnel.

Quel dommage…

On m’annonce une plateforme, un campus pour jeunes, avec tout un tas d’étapes, et je me retrouve avec une liste de liens. Et si j’analyse mon parcours, je m’aperçois que finalement le LCL a sans doute dépensé pas mal de ressources pour mettre en place ce programme, identifier les start-ups, les choisir, monter les partenariats, communiquer, et a créé de la valeur, puisque mon intérêt a été suscité au point que je passe à l’action. Et tellement de valeur que je vais même ouvrir un compte « Hello Charly ». Mais hélas, le LCL ne capturera pas la valeur créée sur mon parcours : ils ne sauront pas si j’ai fait une transaction ou pas, je n’aurai pas ouvert de compte chez eux, je ne reviendrai peut-être pas sur leur site pour les offres suivantes, ils ne pourront pas avoir de commission de la part d’Hello Charly puisque je vais m’inscrire en direct. Au mieux, mes clics sur la page Web auront participé à une augmentation des visites de cette page.

Quel dommage…. Le parcours est bien identifié, il est attractif, il va même jusqu’à générer une action de la part du client ; mais je suis dubitative quant à la valeur que va en retirer le LCL, par rapport au potentiel immense qu’un modèle de plateforme aurait représenté ici.

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Cette petite expérience illustre l’un des sujets clefs des modèles de plateforme : la gestion de la valeur. Dans ces modèles écosystémiques, celui qui crée la valeur n’est pas forcément celui qu’il la livre au client, et pas forcément non plus celui qui la capture. Il est donc essentiel de se poser ces questions en amont : quelle est ma nouvelle chaine de valeur, qui crée la valeur, qui la livre au client, et qui la capture ; quid de la monétisation ? Quel mode de gouvernance mettre en place ? Quels points de contrôle appliquer pour mieux connaître le client, le suivre sur son parcours, et quels mécanismes pour le retenir ? Comment orchestrer le parcours du client afin de partager la valeur créée ? Autant de sujets à travailler dès le début, lors du design de la plateforme.

 

Comme le disait Stefan Michel dans la Harvard Business Review d’avril-mai 2015 : « Les entreprises consacrent bien plus de temps, d’argent et d’efforts à innover pour créer de la valeur qu’à innover pour capturer de la valeur. » 

© photos: LCL

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